Le sexe et le genre sont en fait la même chose (mais ne partez pas si vite) [TRADUCTION]

Ce texte est une traduction de l’article “Sex and gender are actually the same thing (but bear with me)”.

En lisant le titre, vous sentez peut-être l’indignation monter en vous en croyant que cet article aura une approche essentialiste du genre. Vous serez apaisé-e-s en sachant que c’est tout à fait le contraire. Mon but en écrivant ceci est de mettre en évidence les idées fausses qui circulent dans les ressources « trans 101 » et « comment être un-e bon allié-e cis », et pourquoi ces idées font plus de mal que de bien pour les personnes trans.

N’importe qui ayant une base dans les questions transidentitaires est probablement familier avec l’expression « le genre et le sexe sont deux choses différentes ».

Bien que l’idée de traiter le sexe et le genre en tant que deux aspects qui ne sont pas reliés entre eux puisse être le résultat d’une tentative de validation et de support pour les identités trans, cela perpétue en fait des croyances problématiques par rapport à la validité de l’assignation sexuelle et de la nature statique du sexe biologique, ce qui empêche les trans et les gens intersexes de pouvoir définir leur propre corps et expériences. Cette manière de penser ne fait rien pour combattre (et va en fait souvent renforcer) la pathologisation, l’aliénation et l’exclusion des personnes trans, surtout les femmes trans, sur la base d’un concept apparemment immuable du « sexe biologique ».

Constructions sociales, constructions sociales partout…

La réalité est que le concept du « sexe biologique » ― avec le genre, l’argent, le code de la route ― est entièrement construit socialement.

Maintenant, votre première réaction est peut-être : « Attends, attends. Les pénis et les vagins existent ! Les parties génitales ne peuvent être des construits sociaux ! »

C’est au moins en partie vrai. Les tissus physiques et les organes, auxquels le sexe a été assigné, ne sont pas construits socialement ; ils existent dans la nature plutôt qu’à travers une conception humaine.

Cependant, des mots comme « pénis » et « vagin » sont socialement construit. L’étude de la médecine est socialement construite. Le critère qui définit arbitrairement ce qui est « normal » ou « anormal » en termes de caractéristiques sexuelles et qui crée une dichotomie entre ce qui est biologiquement « masculin » ou « féminin » est socialement construit. Les attentes, les fonctions et les genres qu’on assigne à ces organes et à ces tissus? Définitivement un construit social. Alors que le but de dire que « le genre et le sexe sont deux choses différentes » pourrait être de démontrer que le genre existe indépendamment du sexe (assigné), le problème réside dans le fait que le sexe ne peut pas exister indépendamment du genre.

Il y a cette idée particulièrement problématique que des mots comme « sexe masculin » et « sexe féminin » décrivent le sexe physique immuable d’une personne et que les mots comme « homme » et « femme » se réfèrent à une identité. Mais c’est faux dans tous les sens pratiques ; pour tous les usages légaux ou sociaux, les mots comme « sexe masculin/féminin » ou « homme/femme » sont utilisés de manière interchangeable, avec connotations sociales interchangeables.

La notion qu’un individu peut valider « l’identité de genre » d’une personne trans, tout en mettant son corps dans la même catégorie que les personnes cisgenres du même sexe assigné, est quelque chose qui a été utilisé pour justifier l’exclusion et la violence envers les femmes trans ainsi que l’aliénation des personnes trans dans les espaces non-mixtes, dont le résultat a été de recevoir de mauvais traitement médicaux, et qui est tout simplement un autre outil de transphobie et de transmisogynie qui permet aux gens de se retourner et de dire « je respecte ton identité, mais en fait tu restes un-e [insérez ici le sexe assigné] ».

Le sexe biologique en tant qu’instrument de la transphobie

Le concept que le sexe assigné est un fait objectif immuable a énormément de répercussions négatives pour les personnes trans, allant des relations interpersonnelles à l’accessibilité aux soins médicaux de base.

Les personnes cis emploient souvent la logique du sexe biologique pour justifier leur attirance ou leur répulsion envers les personnes trans, qui dans les deux cas peuvent être enracinés dans la transphobie. Une lesbienne attirée par un homme trans peut encore se considérer comme ayant le « statut de l’étoile d’or » [note du traducteurice : une lesbienne qui n’a jamais eu de relation sexuelle avec un homme (sic)] si elle considère que son partenaire est « biologiquement de sexe féminin ». Un homme cis-hétérosexuel croit qu’il ne peut aller de l’avant avec son attirance envers une femme trans parce qu’y céder pourrait faire de lui un « gai ».

Le concept du sexe biologique renforce l’homophobie et la pathologisation qui sont inhérents à la transphobie et la transmisogynie institutionnalisées.

Je pourrais écrire un article entier sur le spectacle d’horreur qui survient lorsqu’on applique cette logique à l’intérieur du système pénal et lorsqu’on condamne les personnes trans à leur sexe assigné, mais je crois cette fiche descriptive par Just Detention International peut lever le voile sur cet aspect pour moi.

Et ne me faites pas partir sur toute cette affaire de « sexe = biologie, genre = psychologie » puisque cette idée évacue complètement les personnes intersexes de la réflexion (considérant qu’une proportion démesurée de personnes trans sont intersexes).

Qu’est-ce que ça veut dire d’avoir un « corps masculin » ou un « corps féminin » ? Est-ce que ces catégories intrinsèquement dyadiques ? Est-ce qu’elles dépendent seulement de notre assignation à la naissance ? De nos hormones ? De nos parties génitales ? Est-ce qu’une femme trans non-opérée qui a suivi une hormonothérapie pendant des années appartient encore à la même catégorie « biologique » qu’un homme cis ? Est-ce qu’il y a un moment, via une intervention médicale ou une reconnaissance légale, où une personne cesse d’être membre d’un certain sexe biologique et devient un sexe officiellement désigné et socialement reconnu ? Où est-ce que les personnes intersexes se situent dans tout ça ? Le concept en entier est foireux et s’effondre devant la moindre inspection.

Si quelqu’un s’identifie au genre masculin, alors il est masculin et son corps est masculin. Si quelqu’un s’identifie au genre féminin, alors elle est féminine et son corps est féminin. Je m’identifie en tant qu’androgyne, je suis androgyne et mon corps et mon sexe sont (vous l’avez deviné) aussi androgynes ― peu importe mes décisions médicales ou le statut de ma transition.

Le but de l’inclusivité trans n’est pas de concéder à la nature d’autodétermination du genre tout en considérant comme inébranlable le construit social du sexe biologique, et en fait que c’est deux chose ne peuvent pas exister en tandem. Les personnes trans ne peuvent pas véritablement avoir le pouvoir d’autodéterminer leur genre sauf si iels ont aussi le pouvoir d’autodéterminer leur corps en alignement avec leur genre.

Les faits avérés

C’est habituellement le moment où nos pairs ayant une pensée scientifique se feront un devoir de nous pointer les faits avérés : les corps masculins et féminins ont des différences physiques qui demandent des soins médicaux différents ! Vous ne pouvez pas changer les chromosomes que vous avez ! Les besoins médicaux d’une personne trans ne sera jamais semblable à celle d’une personne cis du même genre ! Nous avons besoin d’avoir ces critères physiques rigides ! Pour la santé ! Pour la science !

*soupir*

Premièrement, ce que nous savons à propos des différences intrinsèques entre la physiologie masculine et féminine, c’est surtout que nous en savons beaucoup moins que nous le croyions. Les recherches récentes ont démontrées qu’il n’y a pas de différence significative dans la structure des cerveaux féminins ou masculins et que les chromosomes ne déterminent pas le développement sexuel, et d’autres choses encore que nous considérions avant comme étant des « faits avérés » ne sont finalement que des spéculations obsolètes.

C’est presque comme si la binarité genre/sexe avait été inventée par les gens qui ont ensuite fabriqués des qualificatifs artificiels pour la renforcer, qui ont ensuite évolués vers la biologie, la médecine et la psychologie. Hmmm. Étrange.

En réalité, les besoins médicaux de tout le monde sont différents. Oui, un homme trans et un homme cis n’auront jamais exactement les mêmes besoins médicaux, mais aussi un homme valide aura des besoins différents de ceux d’un homme avec un handicap, et il existe même certaines différences dans les traitements médicaux chez les différentes ethnies. En fait, seulement une petite partie de nos traitements médicaux sont affectés par ce que nous avons entre nos jambes, et lorsque ça devient pertinent dans un traitement médical, cela doit être discuté au cas par cas de toute façon.

Les différences dans les besoins médicaux entre une personne trans et une personne cis dont l’état de santé est similaire sont largement négligeables. Ils deviennent encore plus négligeables si la personne trans concernée suit une hormonothérapie, puisqu’il y a plus de problèmes médicaux influencés par vos hormones actuelles (comme la densité des os et des muscles, les risques de maladies cardiaques, le cholestérol, la calvitie et le SPM) qu’il y en a qui sont directement influencés par les parties génitales avec lesquelles vous sommes né-e-s.

L’idée que le genre existe indépendamment du sexe et que les personnes trans doivent être regroupées dans leur sexe assigné de force pour des raisons médicales ne peut que causer un grave mauvais traitement des patient-e-s trans, en plus d’une confusion générale pour l’équipe médicale.

Plus nous examinons la logique qui supporte l’idée que le sexe biologique et l’identité de genre sont deux facteurs indépendants et sans rapport, plus il devient apparent que ce concept est plus un outil utile pour les personnes cis qui veulent paraître inclusives tout en étant transphobes, plutôt que quelque chose qui profite réellement aux personnes trans. Alors que c’est une bonne chose d’éduquer les autres par rapport à l’inclusion trans et de s’en faire des allié-e-s, c’est encore plus important que les concepts que nous renforçons nous soient utiles, plutôt qu’être facilement intégrables sous de fausses préconceptions.

8 commentaires sur « Le sexe et le genre sont en fait la même chose (mais ne partez pas si vite) [TRADUCTION] »

  1. On est effectivement quelques, à transselande, à défendre une approche du sexe comme rapport social, notion qui a été introduite par des féministes matérialistes « à l’ancienne » comme Mathieu, ou Atkinson (pas toujours d’ailleurs très sympathiques avec nouzautes, mais ça ne rend pas leur approche im-pertinente pour autant). Il faudrait tout un boulot sur ces thèses là, mais elles sont actuellement plutôt en sommeil à féministlande comme chez nous.

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  2. Je suis assez d’accord et assez pas d’accord, ce doit être mes études de médecines qui déteignent encore sur moi mais je pense qu’il y a des différences à faire pour soigner au mieux chaque individu. Par contre pas des différence aussi simplistes et binaire qu’aujourd’hui. Il y a les différences anatomiques (pénis, vagin ou intersexuée), les différences hormonales (progestérone et testostérone en plus ou moins grande quantité), les différences génétiques (XX ou XY ou autre) et cela demande des soins particuliers. Je pense que comme dit dans l’article chacun a besoin de soins différents par rapport à cela sans pour autant que l’on dise que le vagin, la progestérone et les chromosomes X sont féminins et que le pénis, la testostérone et les chromosomes XY sont masculins car déjà c’est oublié une bonne partie de la population et ranger les gens dans des cases. Pourtant il faut bien nommer pour pouvoir étudier et soigner mais je pense qu’il faut juste un changement de vocabulaire, ne plus dire organe masculin et féminin mais vagin et pénis, etc… Pour terminer je voulais dire que peut importe le taux d’hormone, l’anatomie ou la génétique on ne devrait jamais remettre en cause dans le milieu médicale ou un quelconque milieu d’ailleurs le genre d’une personne. Bref si vous avez quelque chose à dire sur mon discours un peu décousu et rapide, surtout si c’est pour me faire remarquer une grosse connerie n’hésitez pas.

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  3. « Les recherches récentes ont démontrées qu’il n’y a pas de différence significative dans la structure des cerveaux féminins ou masculins et que les chromosomes ne déterminent pas le développement sexuel, et d’autres choses encore que nous considérions avant comme étant des « faits avérés » ne sont finalement que des spéculations obsolètes. »

    Bonjour, je serais intéressé de lire les sources.

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  4. Merci de cette traduction. Je ne connaissais pas cet argument et fais partie des gens qui se hérissent quand on entend sexe = genre. Je trouve l’article et le développement très intéressant mais pas sûr d’adhérer aux conclusions. Je partage les prémisses (donc on peut s’entendre, je crois) mais pas me questionne encore sur l’amalgame entre les concepts de sexe et de genre.
    Ce n’est pas parce qu’ils sont tous deux construits socialement que ces concepts veulent dire la même chose. Je trouve intéressant de continuer à les distinguer pour faire sens de notre réalité.

    On peut changer de genre sans changer son sexe (ici biologique). On peut être intersexe, avoir un corps qui ne rentre pas dans le système binaire imposé, et avoir un genre binaire (femme/homme). Ou l’inverse aussi, on peut avoir un corps qui rentre dans le système binaire imposé et avoir un genre non-binaire.
    J’ai l’impression que ce sont des cas, relativement fréquents, où genre et sexe ne se superposent pas. Considérer donc que sexe = genre ne permet pas de bien décrire la réalité : ce que les gens déclarent être et sont effectivement.

    Le corps et le genre peuvent être interdépendants (mais pas forcément), mais ce n’est pas pour autant que ces concepts se recoupent totalement. Ne perd-t-on pas en finesse en considérant que sexe = genre ?
    On est d’accord sur le faut qu’il faut garder à l’esprit que le sexe (binaire) est aussi un construit social, et de ne pas perpétuer l’erreur d’un féminisme qui, pendait qu’il déconstruisait le genre, naturalisait le sexe. Avec le sexe comme contenant (le corps) et le genre comme contenu (l’identité, les rôles). Je vous rejoins sur le fait qu’il est donc absurde de parler de sexe féminin/masculin, vu que les masculinités et les féminités sont multiples et ne se réduisent pas au corps (encore une raison de distinguer sexe et genre).

    Je trouve que cette typologie fait plus de sens. Qu’en pensez-vous ?

    * Genre (social) = identités, rôles, comportements

    * Sexe (social) = aspects corporels/biologiques qui induisent une catégorisation sociale. On peut changer DE sexe.

    * Sexe biologique = continuum, multifactoriel. On peut bouger sur le spectre en prenant des hormones, modifiant ses caractères sexuels secondaires, mais on ne pourrait même pas quantifier ce déplacement sur le spectre. Ici on peut dire qu’on peut changer son sexe (mais pas DE sexe, car ça implique une catégorisation qui est hautement arbitraire).

    Cette typologie peut cependant indiquer une confusion si l’on ne précise pas de quel sexe on parle (social ou biologique). J’ai entendu parler de sexuation pour parler du sexe biologique mais ce terme ne me paraît pas tellement plus clair (étymologiquement ça désignerait le processus de création du sexe, et non pas son état), et en plus c’est un terme psychanalytique (berk) qui désigne un truc obscur en lien avec le genre/sexe.

    Merci pour vos réactions et vos éclaircissements 🙂

    [Déso pour le long post, j’espère être assez clair dans la manière d’écrire :/ , si c’est pas le cas je peux essayer de clarifier 🙂 ]

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